JEAN ET BEATRICE de Carole Fréchette
Mise en scène Alexandre Berdat
A l'Antidote Théâtre à 16h
C'est au coeur d'un petit théâtre que nous découvrons deux acteurs, prêtant leurs traits à Jean et Béatrice, anti-amants théâtraux nés sous la plume de Carole Fréchette. Le décor est sobre, minimaliste, se limitant à une balancelle de fer forgé blanc.
La lumière se fait sur Béatrice qui se prélasse sur son banc mouvant, accompagné musicalement par l'excellent "It's so quiet" de Bjork. Vêtue d'une longue robe blanche et d'une chevelure brune retombant jusque sur ses hanches, Béatrice semble une princesse tout droit sortie d'un conte de fée mythologique... Une princesse qui attend son prince charmant... Le voilà qui débarque enfin. Il s'appelle Jean, est un peu bourru et ne cesse de répéter ce mot : "combien ?" Béatrice devient un moulin à parole et commence à lui raconter sa vie, les hommes qui sont passés avant lui. Les deux personnages se mettent à discuter sans s'écouter jusqu'à ce que l'on apprenne la raison de leur présence au sommet de cet immeuble abandonné, au 34e étage, sans ascenseur.
"Jeune héritière recherche un homme qui pourra l'intéresser, l'émouvoir et la séduire. Récompense substantielle à la clé". Béatrice a posé cette annonce sur tous les mûrs de la ville et attend depuis, bien sagement au haut de sa tour que l'on vienne la cueillir.
Jean est là pour cueillir la récompense promise. Chasseur de primes, son but est l'argent, le concret. Il étaye cette annonce en trois missions qu'il essaie de remplir : intérêt, émotion et séduction de Béatrice. Sauf que ces deux-là n'ont ni la même vision ni les mêmes attentes. Leur contact va devenir explosif et chacun va exiger de l'autre quelque chose que ce dernier ne peut donner... Lui l'argent, elle l'amour et l'attention.
Une magnifique fable se dresse alors et pose question sur notre société matérialiste. Une société qui bannit les portes du romantisme, et incite à la quête lucrative plutôt qu'à la quête de l'amour.
Caroline Devismes, parfaite Béatrice |
Les comédiens donnent corps à cette pièce tragique qu'ils portent entièrement sur leurs épaules. Pas d'effets, pas de décors, très peu de musique, l'interprétation est le point majeur sur lequel a décidé de se pencher Alexandre Berdat. Le metteur en scène signe une magnifique direction d'acteur. Coup de coeur tout particulier à Caroline Devismes, spontanée, fraîche et tellement sincère dans ce rôle. Elle nous captive, nous fascine, grâce à sa diction si juste, son timbre de voix si doux (comme celle des princesses dans les anciens Disney) sa gestuelle si sincère, ses emportements si vrais. Un régal ! Thomas Le Douarec n'est pas pour autant laissé sur le banc de touche. Si son interprétation est un peu trop théâtrale au début de la pièce, la seconde partie du spectacle le place au même niveau que sa compagne de jeu. Le personnage de Jean, qui devient fou de ne pouvoir obtenir son dû, lui va comme un gant. A eux deux ils forment un fabuleux duo. Drôle, tragique et enivrant. Un intense et délicieux moment de théâtre.
S. Alunni
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire