samedi 26 mai 2012

Spécial Festival de Cannes 2012


DE ROUILLE ET D'OS de Jacques Audiard

Prenez Jacques Audiard, l'un des meilleurs réalisateurs français actuels, faites-le piocher dans l'un des plus marquant recueil de nouvelles de ces dernières années, et vous obtiendrez forcément un film de grande qualité. Rappelons que ce fut aussi la recette miracle utilisée par Eastwood pour son "Million dollar baby" adapté de F.X. Toole. Sauf qu'ici Audiard adapte à sa manière, en croisant deux nouvelles de Craig Davidson et en transformant l'un des deux héros en héroïne afin de leurs faire vivre une histoire exceptionnelle. Mais "De rouille et d'os" n'est pas une simple romance car, l'univers dans lequel évolue les personnages est âpre et violent, on est loin des clichés et des bons sentiments, et la direction d'acteur fait toute la différence.


On y découvre Ali, un père célibataire qui manque de délicatesse à l'égard de son fils et dont la situation financière est instable. Lorsqu'il rencontre Stéphanie, il est videur en boite de nuit, et cette dernière a le nez en sang parce qu'elle vient de vivre une dispute qui a tourné au pugilat. Ali craque immédiatement pour cette fille, or ce n'est que bien plus tard qu'il la reverra, à la suite d'un terrible accident la privant de ses deux jambes. Une scène d'ailleurs particulièrement réussie, où l'habile enchaînement de plans se conclut en apothéose lors d'une vue sous-marine nous montrant l'étendue des dégâts matériels du passage de l'orque. Cet atout majeur du réalisateur, on peut le souligner, est de réduire l'action à son minimum nécessaire, sans s'astreindre de tout raconter, comme lors d'une scène de combat résumée à un plan rapproché sur une dent arrachée qui tournoie sur le sol.

Cru, brutal et sans maniérisme, le film dresse le portrait touchant du handicap, aussi bien corporel avec le personnage blessé remarquablement interprété par Marion Cotillard, qu'émotionnel avec Ali - alias Matthias "Bullhead" Schoenaerts - le vrai cétacé du long-métrage, incapable d'ouvrir son cœur à l'autre même si derrière la force et la détermination presque dangereuse se cache la blessure. Méritant largement sa place dans la course aux prix cannois, "De rouille et d'os", de par sa simplicité, sa sincèrité et son efficacité, a les moyens de toucher le jury. Mais y parviendra-t-il après la consécration de "Un prophète" ?

R. Pignon

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