mercredi 9 novembre 2011

Emma Barcaroli





EMMA BARCAROLI  

Comédienne sur Paris originaire de La Gaude (Prochainement au théâtre de la Cité dans sa création "Les Maux qu'elles taisent" les 25, 26 et 27 Novembre)



Tu as un parcours assez riche en matière de théâtre, notamment en ayant suivi les cours Florent. Qu'est-ce qui t'a donné envie de monter sur les planches ? De diriger ta vie vers le théâtre ?


Cette envie a grandi en cotoyant les plateaux. J'ai commencé à faire connaissance avec le public en travaillant la musique avec mon instrument, la harpe, puis plus tard en dansant, et enfin en tant que comédienne. Je suis entrée au Cours Florent à 18 ans, sans savoir que j'étais sur le point de découvrir ce qui allait totalement orienter ma vie et mes choix. Je me suis surprise à y rester 3 ans, au cours desquels j'ai eu l'occasion de me découvrir et de rencontrer des gens importants qui ont fait partie de mon parcours et qui sont toujours là dans mon travail. Ces années m'ont donné la possibilité de grandir en tant que comédienne mais aussi de me confronter à la mise en scène, à l'écriture. C'est là que j'ai compris où se situaient mes envies, c'est dans cette structure que ce métier est devenue une évidence pour moi et que j'ai pris conscience de l'importance de la rigueur, de la patience, de la curiosité, de la sincérité, de la capacité de travail et d'endurance nécessaires pour l'exercer. Cela fait six ans aujourd'hui que je prends un plaisir indescriptible à découvrir ce métier. Aujourd'hui j'enseigne au Cours Florent et je me revois m'y rendre pour la première fois chaque semaine en allant donner cours. A l'époque, je n'étais absolument pas sûre d'y rester...




"Les mots qu'elles taisent" est ta deuxième création. De quoi parle cette pièce et d'où te vient l'inspiration ? Qu'est-ce qui te pousse à créer ?


Cette pièce s'inscrit véritablement en écho à la manifestation pour laquelle elle sera créée : La journée internationale de lutte contre les violences à l'égard des femmes. J'ai été contactée l'année dernière par une association niçoise dont un des directeurs avait assisté en 2009 à une représentation de ma première pièce, Ca n'arrive qu'aux mortels. L'association avait le désir d'organiser un événement autour de cette journée, je leur ai proposé que ma compagnie, La Compagnie Pantai, crée un spectacle "sur mesure", en écho au thème en question. Un an après, le 25 novembre 2011, nous viendrons présenter notre Les maux qu'elles taisent au public niçois au Théâtre de la Cité. J'ai travaillé à l'écriture du texte dans un premier temps en tentant de croiser des histoires de femmes confrontées à différents types de violence. Nous nous sommes engagés, avec l'équipe artistique, à ne pas "figer" notre travail de manière à pouvoir nous enrichir des rencontres et discussions qui auront lieu au cours de la semaine du 24 octobre pendant laquelle nous serons en répétitions, accueillis par la Compagnie Miranda. Nous aurons aussi l'opportunité de rencontrer des groupes grâce auxquels nous pourrons améliorer notre travail de construction et nos recherches. La création, l'écriture, représentent à chaque une perspective de nouvelles recherches, de remises en questions et de découvertes. Les maux qu'elles taisent parlent des femmes, de leur rapport aux hommes mais aussi des hommes et de leur rapport aux femmes, des incompréhensions qui créent des ruptures, des clivages et qui appellent la violence sous toutes ses formes.



Tes 2 créations touchent le sujet délicat de la violence faite aux femmes. Pourquoi te sens-tu si concernée par ce sujet ? Est-ce important selon toi de faire passer des messages de société graves par le biais d'un support artistique ?


Je ne suis pas uniquement sensible à ce sujet, je ne me sens pas concernée par la violence faite aux femmes en particulier. En réalité, comme beaucoup, je m'interroge sur les manifestations de la violence qui est inhérente à nos sociétés. Je suis interpellée, en tant que femme mais surtout en tant que personne par ces actes de violence extrême qui surgissent sans forcément être prémédités. Je pense que nous devons prendre conscience que la violence existe en chacun de nous afin de pouvoir la maîtriser et en parler. Il faut élargir le sens du mot "violence", qui n'est pas uniquement une manifestation physique de la colère mais qui se trouve un peu partout, dans nos façons de nous observer, de nous juger, de poser des étiquettes sur les choses, sur les gens et ainsi de les stigmatiser. Les modèles que nous nous voyons imposer sont une forme de violence. Je pense que la théâtralité permet d'aborder ces problématiques là en les donnant à voir à travers le prisme du plateau qui transforme les représentations et donc les perceptions.




Qu'espères-tu provoquer chez les gens avec cette pièce ?


En général, je pense que le spectateur doit sortir d'une représentation "changé". Si le temps de la représentation lui permet de sentir une émotion ou un sentiment qui, ne serait-ce qu'une seconde, modifie sa façon de percevoir les choses, s'il a l'occasion de se découvrir tel qu'il ne se connaissait pas encore à ce moment là, alors ce sera réussi.






Tu t'exerces sur plusieurs terrains : la mise en scène et l'interprétation. Vers quoi ton coeur balance le plus ? Pourquoi ?


Le travail de mise-en-scène est un travail particulièrement intéressant car il demande une grande capacité d'adaptation, d'inventivité. Il inclut également la direction qui est pour moi la partie la plus plaisante du travail du metteur en scène. C'est une étape pendant laquelle on accompagne les comédiens dans leurs questionnements, dans leurs doutes. Chaque comédien étant différent, il faut trouver une façon de lui transmettre ses volontés qu'il puisse entendre et dont il puisse se nourrir personnellement pour travailler son ou ses personnages. En dirigeant des acteurs, on évolue énormément en tant que comédien, tout comme en donnant des cours. C'est là que l'on est obligé de trouver les mots justes, on se rend compte que l'on porte en soi ce que l'on transmets. Quant au travail de comédienne, je ne pourrai plus m'en passer. J'apprécie énormément le fait d'arriver en répétition sans avoir à penser à autre chose qu'à mon travail sur le plateau. J'essaie de me rendre le plus disponible possible afin de répondre sans attendre aux indications du metteur en scène. On se sent totalement modelable et sans autre responsabilité que celle de faire passer ce que l'on nous confie. Evidemment, c'est souvent compliqué, on passe par des moments difficiles au cours de la construction du travail mais il y a des instants magiques et uniques. Pour moi, le jeu est devenu nécessaire. Quand je ne monte pas sur le plateau pendant quelques temps, je me sens moins bien.




Aujourd'hui pour percer dans le monde du théâtre, dans quel état d'esprit faut-il être ? Quels sont tes objectifs ?


Je pense qu'il n'existe aucune règle. "Percer" ne représente pas grand chose. Je crois qu'aujourd'hui, en France, un comédien est très heureux quand il peut vivre convenablement de son métier sans avoir à intégrer des productions dans lesquelles il ne se retrouve pas artistiquement uniquement pour "cachetoner". Le fait d'exercer son métier de façon régulière et libre pour un comédien est déjà une grande chance. Je crois que c'est un métier extrêmement difficile qui demande beaucoup de ténacité, de disponibilité et de coeur. Il faut essayer de rester cohérent et fidèle à ses convictions, prendre sur soi, être patient et ne pas tomber dans l'aigreur, sans quoi ce métier peut très vite devenir violent et destructeur. Nous ne devons jamais perdre de vue notre priorité : le fait de trouver, de toucher, de surprendre le public. Je souhaite simplement continuer à avancer doucement, par étape, avec des gens qui ont une envie et un désir de transmission commun, comme je 

l'ai fait jusqu'à aujourd'hui, et toujours plus.



Propos recueillis par Ségolène Alunni.

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