LOLA de Brillante Mendoza
Diffusé sur Arte mercredi 24 Juillet
Plongez au cœur des quartiers populaires de Manille, et découvrez ses rues jonchées de détritus, ses pluies fréquentes et diluviennes et ses habitants aussi humbles que courageux. Tout commence avec l'achat d'un cierge par grand-mère Josefa, dit Sepa, que cette dernière et le petit Jay-Jay iront allumer au pied d'un mur de béton, On apprendra par la suite que c'est en hommage à Arnold Quimpo, l'oncle, qui a été poignardé et tué en pleine rue pour un simple vol de téléphone portable. Grand-mère Sepa devra alors s'occuper des obsèques, malgré le manque d'argent et les impondérables. En parallèle, la grand-mère de Mateo Burgos, l'assassin présumé et interpellé, sera convoquée au palais de justice où elle devra faire face à la famille de la victime.
Parcouru de longs plans séquences caméra à l'épaule, le réalisateur, comme à son habitude, suit le destin de ses personnages en collant au maximum à la réalité. À l'aide d'un timing quasiment en temps réel, il nous laisse déambuler avec les protagonistes, au rythme de leurs actions, et nous fait voyager. Véritable moment de vie partagé, on prend les transports en commun avec eux, on va au commissariat avec eux, sur le marché, on devient, comme eux spectateur d'un larcin et le soir on rentre à leur domicile. Mais ce n'est pas du tout lassant, bien au contraire, car Mendoza partage avec nous leurs intimités, prend son temps pour nous faire entrer dans leurs têtes, nous faire vibrer, et approcher au plus près de leurs âmes.
À l'instar des précédents longs-métrage du réalisateur - mais tout de même moins trash - tels "Serbis" et "Kinatay", "Lola" ne se gargarise pas d'un voyeurisme gratuit et ne s'appesantit sur l'intimité de ses personnages que pour subtilement les dévoiler. Car la psychologie ne se comprend que par l'image chez Mendoza, puisque ses personnages ne livrent jamais leurs sentiments ; c'est par le corps et le geste que les êtres s'expriment. Et "Lola" possède son lot de scène fortes et marquantes, comme lorsque la grand-mère Sepa se bat contre le vent pour allumer le cierge - ce qui marque sa difficulté à faire le deuil. Ou lorsqu'elle saisit fermement le T-shirt de Mateo au moment où elle le croise, juste avant qu'elle ne parte en direction des toilettes - ce qui exprime avec plus d'efficacité que les mots ce qu'elle ressent. Ou encore lorsque la grand-mère de Mateo apporte à manger à ce dernier, puis donne de l'argent à la famille de la victime - ce qui traduit à merveille l'amour qu'elle porte à son petit-fils malgré son crime.
La réalisation, bien qu'on puisse l'accabler d'amateurisme au vu de certains plans vraisemblablement tournés en dépit d'une qualité soignée de cadrage et d'éclairage, réussit à capter l'essence profonde de ces êtres fragiles et malmenés. De plus, certains regards, notamment ceux d'Anita Linda, l'actrice principale, sont magnifiques, tout comme nombre de plans au cœur de la ville et au fil de l'eau, nonobstant l'absence d'esthétisme léché.
"Lola" est donc un véritable voyage cinématographique aux Philippines, aussi réaliste qu'enchanteur, profondément humain, et qui nous touche sans jamais nous faire la morale, une œuvre maîtresse à ne pas rater.
R. Pignon
Bande annonce "Lola"
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